3 CORS
1. INT. SALLE À MANGER ‒ JOUR
Dame Séli et la reine Guenièvre discutent en prenant leur petit-déjeûner.
- Séli
- Et l'héritier ? Toujours pas en route je suppose ?
- Guenièvre
- Non, et je peux vous dire que c'est pas de ma faute.
- Séli
- Je sais bien que ça vient de lui. Mais c'est quand même incroyable. Tous les hommes sont plus ou moins des obsédés sexuels, sauf lui !
- Guenièvre
- Ah si, avec ses maîtresses ça y va !
- Séli
- Ah oui, ses maîtresses... Mais pourquoi pas vous ? En plus vous êtes belle, presque autant que moi.
- Guenièvre
- Ah bon ? En tout cas je fais des efforts : je m'apprête, je me maquille, je me fais coiffer par ma bonniche...
- Séli
- Elle s'y connaît ?
- Guenièvre
- Elle est très compétente !
- Séli
- C'est laquelle ? La petite rousse qui baisse toujours la tête ?
- Guenièvre
- Non, plutôt grande, un peu blondasse, et pas du tout le genre à baisser la tête.
- Séli
- Ah oui, la chieuse !
OUVERTURE
2. INT. SALLE DE LA TABLE RONDE ‒ JOUR
Les chevaliers sont en réunion : le roi Arthur, Léodagan, Calogrenant, Galessin, Lancelot, Bohort, Perceval et Karadoc. Le père Blaise annonce l'ordre du jour.
- Père Blaise
- Le seigneur Bohort souhaite aborder un sujet, heu... (lisant ses notes) « capital pour l'avenir du royaume ».
- Bohort (content de lui)
- Tout à fait.
- Léodagan (ironique)
- Capital pour le royaume ? Attendez, laissez-moi deviner : Le festival des vieux chariots ? La fête des belle-mères ? La fête du slip ?
- Bohort (vexé)
- Il ne s'agit pas d'une fête. De toute façon nous en avions déjà organisée une il y a deux semaines, et avec un certain succès je dois le dire.
- Karadoc
- Ah oui ! La fête du fromage, c'est à refaire tous les ans.
- Bohort (ayant retrouvé son sourire)
- C'est prévu, rassurez-vous. Mais aujourd'hui, je souhaite aborder un problème d'une importance vitale pour le royaume.
- Arthur
- Allez-y, tout le monde vous écoute, n'est-ce pas beau-père ?
- Léodagan
- Oui, oui...
- Bohort (solennel)
- Il s'agit du problème... de l'héritier.
- Arthur
- Oh non !
- Lancelot
- Pourtant c'est un vrai problème, Sire !
- Arthur
- Oui, mais j'ai déjà dit que j'ai pas envie d'en parler. C'est des histoires de famille...
- Calogrenant
- Ça concerne aussi le destin du royaume !
- Léodagan
- Vous ne voulez pas en parler... C'est à cause des rumeurs, c'est ça ?
- Arthur (avec agressivité)
- Des rumeurs ? Quelle rumeurs ?
- Calogrenant
- Vous savez bien, Sire... C'est gênant mais...
- Karadoc ( Calogrenant)
- Vous parlez des rumeurs sur sa virilité ?
- Perceval
- Ah bon ?
- Arthur
- Quoi ?
- Léodagan
- Forcément, vous n'avez pas d'enfants, ça fait jaser.
- Arthur (hors de lui)
- Et vous y croyez ?
- Calogrenant
- Pas nous, mais le peuple.
- Père Blaise
- Alors moi, j'avais entendu parler d'une rumeur de malédiction, comme quoi Merlin aurait foiré un sort à la naissance du roi...
- Arthur
- Alors vous, la ferme !
- Lancelot
- Sire, ce ne sont que des rumeurs. Mais elles traduisent le désarroi du peuple.
- Bohort
- Et c'est justement l'intérêt de mon intervention, si on me laisse encore parler : j'ai une solution.
- Arthur
- À la propagation des rumeurs ?
- Perceval
- À l'impuissance du roi ?
- Bohort
- Mais non, au problème de l'hé-ri-tier !
- Arthur
- Je vous préviens, si vous me parlez de potion de virilité ou de philtre d'amour, je quitte la pièce.
- Bohort
- Sire, voyons, je suis sérieux !
- Perceval (à Karadoc)
- Pourquoi pas la potion de virilité ? Merlin ne sait pas la faire ?
- Arthur (pointant du doigt Perceval)
- Vous, dehors ! J'ai dit dehors !
3. INT. SALLE DE LA TABLE RONDE ‒ JOUR
La réunion se poursuit sans Perceval. Le silence est revenu.
- Arthur
- Allez-y, Bohort.
- Bohort
- Vous vous souvenez qu'il a existé, jusqu'à il y a une trentaine d'années, un royaume de Cornouaille ?
- Léodagan
- Oui, c'est même Uther Pendragon qui l'avait anéanti.
- Calogrenant
- Exact. Son roi avait comploté contre Pendragon, la réaction a été sans nuance.
- Bohort
- Est-ce que vous vous souvenez du dernier roi de Cornouaille ? Sires Léodagan et Calogrenant, vous l'avez peut-être connu ?
- Léodagan
- Oui, je vois bien qui c'est.
- Calogrenant
- Ah ? Comment il s'appelait, déjà ?
- Léodagan
- Je ne sais plus, mais souvenez-vous : un type hargneux, toujours en train de gueuler, un vrai connard.
- Calogrenant
- Ah oui, le connard !
- Bohort
- Eh bien figurez-vous qu'il n'était pas le fils de son prédécesseur.
- Léodagan
- Son prédécesseur ?
- Calogrenant
- On ne l'a pas connu, mais j'ai vu son portrait au palais d'Uther Pendragon : gros, suffisant, nul au combat. Comment il s'appelait ?
- Lancelot
- Peu importe, c'était un parfait crétin.
- Léodagan
- Ah oui, le crétin !
- Arthur
- Et donc ce n'était pas le père du dernier roi ?
- Bohort
- Non, c'était son oncle. N'ayant pas d'enfant, il a nommé comme successeur son neveu.
- Arthur
- Donc, votre idée serait de désigner mon neveu comme héritier.
- Bohort
- Ça s'est déjà fait : en Cornouaille.
- Calogrenant
- J'ai une objection, Sire.
- Arthur
- Laquelle ?
- Calogrenant
- Vous n'avez pas de neveu.
- Arthur
- Mais si !
- Lancelot
- Le fils du roi Loth !
- Calogrenant
- Le roi Arthur est le frère de Loth ?
- Lancelot
- Son demi-frère. Enfin, le demi-frère de sa demi-sœur.
- Calogrenant
- Sa demi-sœur ?
- Lancelot
- Mais oui : une femme petite et sèche, avec un regard d'assassin.
- Léodagan
- Une vraie salope !
- Calogrenant
- Ah oui, la salope ! Et c'est la demi-sœur du roi ?
- Lancelot
- Mais oui, puisqu'ils ont la même mère.
- Arthur
- Oh, ça suffit, ne parlez pas de ma mère, je ne veux pas savoir comment vous la surnommez !
4. INT. SALLE DE LA TABLE RONDE ‒ JOUR
La réunion se poursuit.
- Père Blaise
- Juridiquement, ce n'est pas valable.
- Bohort
- Pourquoi ça ? Le royaume de Cornouaille fait partie de la fédération, donc nous pouvons adopter ses lois.
- Père Blaise
- Il faisait partie. Mais Pendragon l'a démantelé.
- Lancelot
- Oui, mais la Cornouaille est toujours à nous.
- Père Blaise
- Non, ce qui est toujours à nous, ce sont une dizaine de duchés et baronnies qui ont été créées par dessus. Et dans lesquelles on ne nomme par héritier un neveu.
- Calogrenant
- Et si on changeait la loi ? C'est possible en convocant tous les royaumes et clans fédérés, non ?
- Père Blaise
- Là oui.
- Léodagan
- Vous allez quand même pas convoquer tout le tralala juste pour désigner Gauvain héritier ?
- Bohort
- Ça résoudrait le problème de l'héritier.
- Léodagan
- Eh bien moi, j'ai une autre idée ! Vous connaissez tous le roi burgonde ?
- Calogrenant
- Heu, rappelez-moi...
- Lancelot
- Un gros type qui pue et qui pète, toujours à se bâfrer en récitant des poèmes à base de rots.
- Calogrenant
- Ah oui, le dégueu.
- Léodagan
- Eh bien c'est le beau-frère de son prédécesseur.
- Bohort
- Ah bon ?
- Léodagan
- Parfaitement : il a épousé la femme du roi, et juste après (c'était pendant la cérémonie) il a égorgé le roi.
- Arthur
- Ah oui mais c'est pas un héritage !
- Père Blaise
- La succession par assassinat n'est pas reconnue par nos lois !
- Lancelot
- De toute façon, c'est en Burgondie, pas chez nous.
- Léodagan
- Parce que la Cornouaille, c'est chez nous, peut-être ? Un royaume qui n'existe plus !
- Arthur
- Sauf que je n'ai pas de beau-frère, donc la question est réglée.
- Léodagan
- Et Yvain ?
- Arthur
- Ah merde, je l'oublie toujours, celui-là.
- Lancelot (à Léodagan)
- Si Yvain assassine le roi, j'assassine toute sa famille, vous compris.
- Père Blaise
- Sans compter que les coutumes burgondes n'ont rien à voir avec nos lois civilisées.
- Léodagan
- Pourtant, Uther Pendragon a assassiné son prédécesseur. Je dis ça, je dis rien.
- Père Blaise
- Son prédécesseur, c'était Vortigern, un usurpateur !
- Calogrenant
- N'empêche que c'était son prédécesseur, il a raison.
- Lancelot
- Quoi ? Mais vous êtes tous devenus fous !
- Karadoc
- Mettons qu'Yvain assassine le roi. En quoi ça règle la question de l'héritier : il n'a pas d'enfant. Enfin, je crois pas.
- Arthur (lassé de ce débat sans intérêt pour lui)
- Voilà !
- Léodagan
- Mais Gauvain non plus, je dis ça...
FERMETURE
5. INT. SALLE À MANGER ‒ SOIR
Arthur et Léodagan dînent ensemble, sans leurs femmes.
- Léodagan
- Vous allez quand même pas nommer Gauvain héritier de Bretagne ?
- Arthur
- Mais non ! À vrai dire je m'en fous...
- Léodagan
- Gauvain, quoi ! Vous l'imaginez, roi ?
- Arthur (piqué au vif)
- Et pourquoi pas ?
- Léodagan
- Mais il est complètement... je veux dire... il est jeune et inexpérimenté !
- Arthur
- Parce que vous me voyez mourir cette année ?
- Léodagan
- Non, mais...
- Arthur
- Je suis pas encore au bout du chemin. Ça se trouve, je mourrais dans trente ans, et alors Gauvain aura votre âge. C'est encore trop jeune ?
- Léodagan
- Mais il est débile !
- Arthur
- Eh bien ça ira très bien avec les autres : le connard, le crétin, le dégueu, le taré.
- Léodagan
- Le taré ? C'est qui, lui ?
- Arthur
- Ah, j'ai oublié son nom. Vous savez bien...
- Arthur
- ... le successeur de Goustan.