3 CORS
1. INT. COULOIRS ‒ JOUR
Perceval et Karadoc frappent violemment à la porte de la salle de la Table ronde.
- Perceval
- Faites pas le con, Sire, ouvrez !
- Karadoc
- On en a gros !
La porte s'ouvre. C'est Léodagan
- Léodagan
- Mais c'est quoi ce raffut ?
- Perceval
- Il faut qu'on parle au roi.
- Karadoc
- Et on sait qu'il est là-dedans !
- Perceval
- Alors laissez-nous entrer.
- Léodagan
- Désolé, le roi ne veut recevoir personne.
- Karadoc
- Mais c'est urgent !
- Perceval
- C'est capital !
- Léodagan
- Désolé, mais j'ai des ordres formels : le roi ne veut voir personne jusqu'à nouvel ordre. Urgent ou pas urgent, c'est pareil.
Léodagan leur ferme la porte au nez.
- Karadoc
- Pour une fois qu'on venait de jour...
- Perceval
- Après, vu qu'on a oublié pourquoi ou voulait lui parler, ça vaut peut-être mieux.
- Karadoc
- Vous croyez ?
- Perceval
- Si jamais il était dans un mauvais jour, il nous aurait encore gueulé après.
- Karadoc
- Ouais mais c'était urgent ! Enfin, je crois.
- Perceval
- Moi je me souviens plus...
Karadoc s'apprête à frapper de nouveau à la porte, puis change d'avis. Les deux chevaliers se regardent, puis s'en vont, résignés.
OUVERTURE
2. INT. SALLE DE LA TABLE RONDE ‒ JOUR
Arthur, Merlin et Léodagan (qui est revenu s'assoir) discutent. La caméra est située derrière Arthur, qu'on voit seulement de dos.
- Arthur
- Nan mais franchement, Merlin, un de ces jours il faudra pas vous étonner de vous retrouver écartelé...
- Merlin
- Écartélé ? Mais c'est pour les régicides,ça !
- Arthur
- Eh ben ? Vous m'avez pas balancé un sort d'anéantissement dans la tronche, peut-être ?
- Merlin
- Mais je l'ai pas fait exprès, je vous dis ! En plus je l'ai foiré.
- Arthur
- Encore heureux !
- Léodagan
- Vous pouvez m'expliquer ce qui s'est passé ? Parce que moi, je vous ai trouvé dans cet état, mais j'ai pas compris.
- Arthur (à Merlin)
- Expliquez-lui...
- Merlin
- Hier, pour la bataille contre les Burgondes, j'ai amené un sort d'anéantissement. Vous savez, c'est un de ces parchemins qu'il suffit de lire ‒ sans se tromper, attention !
- Léodagan
- Et vous l'avez utilisé quand ? Parce qu'on s'est pris une sacrée raclée !
- Arthur
- Je lui ai demandé de rester dans la tente de commandement et d'attendre mon signal. Justement, c'est quand les Burgondes se sont regroupés avant de donner l'assaut que je suis allé voir Merlin.
- Merlin
- Et là... Mais il faut me comprendre : j'étais tellement pressé de bien faire !
- Léodagan
- Et là quoi ?
- Merlin
- Eh ben j'ai balancé le sort d'anéantissement.
- Arthur
- Cet ahuri n'a même pas pensé à sortir de la tente et diriger son regard vers les ennemis. Il m'a regardé, boum !
- Léodagan
- Anéanti ?
- Arthur
- Ben non, il a foiré le sort, évidemment.
- Léodagan
- Je croyais qu'il suffisait de lire le parchemin ?
- Merlin
- Oui, mais sans se tromper ! Là, c'était de l'ancien druidique. Ouais, c'est un parchemin que j'ai « emprunté » à Élias. Cet imbécile utilise encore l'ancien druidique, le ringard !
- Léodagan
- Mais... je croyais que si on lisait ces parchemins de traviole, on était carbonisé sur place ou un truc comme ça.
- Merlin
- Nan mais, sans le faire exprès, en me trompant j'ai récité un sort qui existe vraiment.
- Arthur (tandis que la caméra se tourne pour la première fois vers Arthur)
- Un sort qui rend bleu.
Et en effet, Arthur a la peau toute bleue.
3. INT. SALLE DE LA TABLE RONDE ‒ JOUR
La réunion se poursuit.
- Arthur
- Bref, beau-père, ça doit rester top secret. Je vous demanderai juste de prévenir ma femme, pour pas qu'elle hurle quand je la rejoindrai au lit ce soir. Et la votre, puisque de toute façon elles se disent tout.
- Léodagan
- Il y a que moi qui suis au courant ?
- Arthur
- Merlin, vous, et nos femmes.
- Léodagan
- C'est un honneur de faire partie des initiés.
- Arthur
- Mais non, imbécile ! C'est parce que vous m'avez trouvé tout bleu dans la tente de commandement hier. Sinon, je vous aurais rien dit.
- Léodagan
- Et ça va durer longtemps ? Merlin a un contre-sort ?
- Merlin
- Ben, pour l'instant il faut avouer...
- Arthur
- En attendant que Merlin trouve une solution, je dois rester enfermé chez moi. Beau-père, vous présiderez la prochaine réunion. Je vous ai signé un papier comme quoi vous me remplacez pour cause d'indisponibilité. C'est pour être sûr qu'on vous écoute.
- Léodagan
- Ah, ça, je connais les loustics, ça va pas leur plaire de me voir assis sur votre trône.
- Arthur
- Nan mais êtes dingue ? Vous présiderez depuis votre fauteuil.
- Léodagan
- Ah bon, OK. Et je leur dit quoi ? Ils vont me demandez ce que vous foutez.
- Arthur
- Ah, c'est vrai, il faudrait trouver un prétexte à mon absence.
- Merlin
- Dites que vous avez la grippe. Comme c'est contagieux, ça explique qu'on ne peut pas vous voir.
- Léodagan
- Pas mal !
- Arthur
- À condition que ça s'éternise pas trop longtemps, parce que quand le roi est malade et qu'on ne le voit plus, on ne peut pas s'empêcher de soupçonner qu'il est canné.
- Merlin
- Il faudrait vous montrer de temps en temps...
- Arthur
- Mais je suis tout bleu ! On va croire que je suis atteint d'une malédiction, c'est pas bon pour mon autorité.
- Léodagan
- Et puis question prestige, ça le fait pas.
- Arthur
- Bon, on se retrouve demain. Beau-père : interdiction de dire la vérité aux autres. Merlin : interdiction de faire autre chose que chercher une solution !
- Merlin
- Mais je peux quand même sortir faire un tour ?
- Arthur
- Ah non, vous seriez capable de rencontrer une louve blessée et de la soigner !
- Merlin
- Ah, même ça j'ai pas le droit ?
- Arthur
- Vous aurez le droit une fois que vous m'aurez redonné mon apparence normale. Alors magnez-vous !
4. INT. SALLE DE LA TABLE RONDE ‒ JOUR
Le lendemain, on retrouve les trois mêmes pour faire le point.
- Merlin
- J'ai trouvé quelque chose, mais c'est provisoire.
- Arthur
- Provisoire ?
- Léodagan
- Mais, il pourra se montrer ou pas ?
- Merlin
- Ah oui, justement, c'est le but !
- Arthur
- C'est quand même malheureux qu'on soit obligé de vous menacer pour que vous ayez des résultats...
Merlin attrape un sac qu'il avait déposé par terre et le place sur la table. Il s'apprête à en sortir quelque chose, ce qui fait reculer Arthur et Léodagan, méfiants.
- Merlin
- Nan mais il y a aucun danger !
- Léodagan
- C'est sûr ? Vous maîtrisez ?
- Arthur
- Vous allez pas me balancer accidentellement quelque chose sur la tronche comme la dernière fois ?
- Merlin (sortant une cagoule en laine)
- Mais non, c'est pas dangereux, je vous dis.
Merlin exhibe la cagoule : elle est faite pour couvrir tout le visage, à part deux trous pour les yeux, un trou pour le nez et un pour la bouche.
- Arthur
- Mais vous vous foutez de moi ?
- Merlin
- Nan mais j'avais prévenu : c'est provisoire.
- Léodagan
- Et vous voulez que le roi mette ça sur la tête ?
- Merlin
- Eh ben ? Au moins il pourra se montrer !
- Arthur
- Ah non mais c'est le pompon !
- Merlin
- Oui, ils ont cousu un pompon, regardez, ça fait classe...
- Léodagan
- Vous voyez pas que c'est ridicule ! Mais l'idée de départ est plutôt bonne...
- Arthur
- Ah bon ?
FERMETURE
5. INT. SALLE DE LA TABLE RONDE ‒ JOUR
- Léodagan
- Ce qu'il faudrait, c'est un masque... Un masque tout en fer !
- Merlin
- En fer ? Mais ce serait terrifiant !
- Léodagan
- Justement ! On l'appellerait « le roi au Masque de Fer », là ça aurait de la gueule, de la prestance !
- Arthur
- C'est sûr que ça fait plus guerrier, mais pourquoi je garderai ce masque en permanence ?
- Léodagan
- En public, seulement.
- Merlin
- Et provisoirement.
- Arthur
- Oui mais pourquoi ?
- Léodagan
- Ouais, il faut broder une histoire.
- Merlin
- On a qu'à dire que le roi à la lèpre. Ça expliquerait qu'il cache son visage en permanence, ça se tient !
- Arthur
- Quoi ?
- Merlin
- Pour la légende, c'est pas mal : « Défiguré par la lèpre, le Sanglier de Cornouailles ne sortait plus que couvert par son mystérieux masque de fer. »
- Léodagan
- Mieux : ravagé par la lèpre...
- Arthur
- Mais vous êtes malade !
- Merlin
- Excusez-moi, Sire, je voulais dire « Arthur, l'Ours de Bretagne ».
- Merlin
- Par contre, la lèpre, ça se soigne pas. Donc ce sera du permanent.