3 CORS
1. INT. SALLE À MANGER EN CARMÉLIDE ‒ JOUR
Léodagan et Séli dînent avec Goustan.
- Léodagan
- J'en ai ma claque de passer mon temps avec ce loustic !
- Goustan
- Quel loustic ? Vous parlez de moi ?
- Léodagan (sur un ton faussement respectueux)
- Non, de notre bon roi messire Arthur !
- Goustan
- Ah, vous arrivez toujours pas à l'encadrer ?
- Léodagan
- Il faut toujours qu'il trouve à redire !
- Séli
- Quoi, vous avez encore fait une connerie ?
- Léodagan
- Même pas ! C'est juste que si on fait pas les choses à sa façon, messire est pas heureux. Tiens, l'autre jour, il m'a engueulé pendant une heure, j'en ai ras le pompon !
- Goustan
- Il vous a engueulé à propos de quoi ? De vos actions militaires ?
- Léodagan
- À propos de la justice.
- Goustan (sincèrement étonné)
- De la justice ? Mais c'est votre point fort, ça !
OUVERTURE
2. INT. SALLE DE LA TABLE RONDE ‒ FLASHBACK
Arthur et Lancelot ont convoqué Léodagan, qui les rejoint.
- Arthur
- Le mois dernier, vous vous souvenez qu'on attendait une arrivée d'or, et que le convoi a été attaqué en chemin par des brigands ?
- Léodagan
- Oui, ça je m'en souviens ! Même qu'on n'a jamais pu retrouver le coffre !
- Lancelot
- Justement, on l'a retrouvé, le coffre.
- Léodagan
- Ah, ben bonne nouvelle alors ! Et en quoi ça me concerne ?
- Arthur
- Eh bien, si on a retrouvé le coffre, c'est parce qu'on a retrouvé les brigands. Ils se cachaient dans une grotte, mais le seigneur Lancelot a fini par les débusquer.
- Léodagan
- Oui, donc je vous demande : en quoi ça me concerne ?
- Arthur
- Ça vous concerne que, du coup, les types que vous avez fait exécuter à l'époque, c'était pas eux...
- Lancelot
- ...Vu que les vrais coupables, on vient seulement de les attraper.
- Arthur
- À l'époque je vous avais demandé de pas bâcler l'enquête, vous vous souvenez ? Mais vous avez tout fait dans la précipitation, et on vous avait prévenu que les gars que vous aviez attrapés, ça risquait pas d'être les brigands.
- Léodagan
- Ça se trouve, c'était les mêmes que ceux de la grotte ?
- Arthur
- Les votres, vous les avez fait exécuter. Ceux de la grotte étaient encore vivants, avaient le coffre, et ont tout avoué spontanément. Vous voyez pas qu'il y a une différence ?
- Léodagan
- Ah oui, en effet. Bon, donc tout s'arrange ?
- Lancelot
- Tout s'arrange ? Alors que vous avez fait pendre des innocents ?
- Léodagan
- Mais je les ai pas fait pendre !
- Arthur
- Ils sont juste emprisonnés ? Dans ce cas, il faut vite les libérer.
- Léodagan
- Nan mais je les ai fait cramer.
3. INT. SALLE DE LA TABLE RONDE ‒ FLASHBACK
La discussion se poursuit.
- Lancelot
- Est-ce que vous comprenez que c'est intolérable ?
- Léodagan
- Chevalier Lancelot, vous n'avez pas à me donner de leçons, je suis roi, moi !
- Arthur
- Eh bien moi aussi, et j'approuve ce qu'il dit.
- Léodagan
- Mais vous manquez d'expérience ! Les exécutions publiques, ça sert à quoi à votre avis ? Hein ? Ça a un rôle pédagogique : il faut que le peuple voie ce qui l'attend s'il s'engageait dans une carrière criminelle.
- Lancelot
- Mais là vous avez cramé des innocents !
- Arthur
- Ouais, du coup le peuple ne va pas dire "il faut surtout pas commettre de crime" mais plutôt "il faut surtout pas se faire prendre".
- Léodagan
- Nan mais il n'en sait rien, le peuple, qu'on s'est gouré !
- Lancelot
- On ?
- Léodagan
- Oh, et puis ça va ! C'est quand même pas la première fois qu'on exécute des types à la place des vrais coupables pour que la justice soit prompte !
- Arthur
- Hein ? Vous déraillez ?
- Léodagan
- Quoi, vous le faites pas, vous ?
- Arthur
- Mais jamais de la vie !
- Léodagan
- On doit jamais laisser un crime impuni, sinon les pégus pourraient se croire tout permis. Et si on trouve pas les vrais coupables, on peut toujours s'arranger pour en trouver qui feront l'affaire.
- Lancelot
- Vous êtes marteau !
- Léodagan
- Quoi ? C'est quand même connu, comme combine !
- Lancelot
- Mais c'est ignoble !
- Arthur
- Vous voulez dire que l'autre jour, c'était pas involontaire de votre part, vous avez vraiment cherché des types à faire exécuter ?
- Léodagan
- Ben, ouais. Vu qu'on trouvait pas les bons. Nan mais vous inquiétez pas : on les a trouvé suite à des dénonciations anonymes...
- Lancelot
- Mais c'est pas fiable, ça ! On sait bien qu'il y a des crétins prêts à dénoncer leur voisin juste pour récupérer leurs terres.
- Léodagan
- Me prenez pas pour une buse, je sais bien ! Ce qui compte, c'est qu'ils aient l'air coupables. Là, ils ont été dénoncés, donc le pégu moyen se dit : il y a pas de fumée sans feu... Et puis on les a interrogés, et ils ont avoué.
- Arthur
- Ah bon ?
- Léodagan
- Après avoir été torturés, bien sûr.
- Lancelot
- Parce que vous pratiquez encore la torture ? Mais vous savez bien qu'on peut faire dire n'importe quoi à n'importe qui !
- Léodagan
- Oui, je suis au courant ! Mais pour le peuple, ça fait plus vrai : là c'est des coupables bien comme il faut, surtout que les types qu'on a trouvés, c'était des sortes de vagabonds venus d'Irlande, je crois, qui puaient et étaient à moitié malades. Au moins ils sont partis en beauté, sous les applaudissements de public !
4. INT. SALLE DE LA TABLE RONDE ‒ FLASHBACK
Toujours la discussion...
- Arthur
- Jamais plus je vous confierai d'enquête. Quelle horreur !
- Léodagan
- Quoi ? Ce qui compte c'est que la justice soit prompte et efficace, je reviendrai pas là-dessus.
- Arthur
- La justice ? Cramer des innocents ?
- Lancelot
- Et la morale ? Le bien et le mal ? Vous vous souvenez du sermon du Père Blaise, dimanche dernier ?
- Léodagan
- Il fait ses sermons en latin, j'y pige pas un broc.
- Arthur
- Mais il y a pas besoin de la messe pour savoir que tuer des innocents est monstrueux !
- Léodagan
- Parce que vous, vous préférez attendre un mois d'enquête avant de procéder à l'exécution. C'est comme ça que vous comptez vous faire craindre par les pégus ? Mais un mois après, ils sauront même plus pourquoi on crame les types !
- Lancelot (prenant à témoin le roi)
- Sire, c'est insensé !
- Léodagan
- Mais arrêtez de faire votre chochotte, tout le monde fait pareil !
- Arthur
- Sûrement pas !
- Léodagan
- Eh ben demandez donc à votre mère, qui doit venir après-demain, vous serez surpris !
- Arthur
- Ça m'étonnerait, elle est très à cheval sur ces questions ! Elle a un proverbe, d'ailleurs... « La Justice, c'est le début de la Civilisation ».
5. INT. SALLE À MANGER EN CARMÉLIDE ‒ SUITE DU DÎNER
- Léodagan
- Et là-dessus, il m'a fait tout un sermon pendant une heure, ta ta ta la morale, ta ta ti le père Blaise, j'en peux plus !
- Séli
- Mais... j'ai pas compris : les types que vous avez fait exécuter, si c'était pas les brigands, c'était des complices ?
- Léodagan
- Mais non !
- Goustan (en même temps)
- Mais non !
- Séli
- Donc ils étaient innocents ? Vous avez fait exécuter des innocents ?
- Léodagan
- Quoi ? Vous allez pas faire comme l'autre ?
- Goustan
- Ah, ces femmes ! Toujours leur sentimentalisme !
- Séli
- Mais enfin, vous avez quand même pas fait exécuter des types au hasard ?
- Léodagan (sincèrement étonné, regardant Goustan tout aussi étonné)
- Ben ? Si !
6. INT. SALLE À MANGER DE KAAMELOTT ‒ JOUR
Arthur dîne avec sa mère. L'ambiance est pesante, personne ne parle. Finalement Arthur décide d'ouvrir la conversation.
- Arthur
- Heu... Mère, je peux vous poser une question ?
- Ygerne (froide)
- Allez-y.
- Arthur
- Alors c'est une question qui va peut-être vous étonner, mais c'est juste par curiosité, hein...
- Ygerne
- Mais allez-y, je vous dis.
- Arthur
- Est-ce que, à Tintagel, quand on n'arrive pas à attraper les coupables, on exécute des types au hasard ?
- Ygerne (se levant, outrée)
- Quoi ?
- Arthur
- Nan mais c'est juste une question.
- Ygerne (toujours debout)
- Comment osez-vous ? Jamais ! Vous m'entendez ? Jamais à Tintagel on ne s'abaisse à ces pratiques d'un autre aĝe ! La justice, c'est le début de la civilisation ! Qu'est-ce que vous croyez ?
- Arthur
- Nan mais je sais bien... C'était juste pour être rassuré.
- Ygerne
- Parce que vous aviez peur ? Peur qu'on s'en prenne à des innocents ? Savez-vous que la justice, c'est moi qui m'en charge personnellement ? Vos accusation me blessent !
- Arthur
- Excusez-moi, excusez-moi... Mais il paraît qu'il y a des pays où ils font n'importe quoi et... je voulais être sûr de pouvoir prendre Tintagel comme exemple pour leur montrer la bonne méthode...
FERMETURE
7. INT. SALLE À MANGER DE KAAMELOTT ─ JOUR
Ygerne s'est rassise et explique à Arthur sa conception de la justice.
- Ygerne
- À Tintagel, nous commençons toujours par une longue et minutieuse enquête. Nous ne condamnons que lorsque nous avons une certitude absolue de la culpabilité de l'inculpé.
- Arthur
- Ça c'est bien...
- Ygerne
- Pour l'enquête, nous utilisons des techniques modernes et nous avons défini un protocole rigoureux en deux temps.
- Arthur
- Ah ?
- Ygerne
- Premier temps : examen des dénonciations anonymes. Deuxième temps : interrogatoire des suspects sous la torture.
- Ygerne
- Eh ben, vous dites rien ?