3 CORS
1. INT. SALLE À MANGER ‒ NUIT
Karadoc et Perceval mangent à table lorsque arrivent Arthur et Lancelot, les vêtements plus ou moins déchirés et maculés de sang, visiblement épuisés.
- Karadoc
- Ah, vous voilà enfin !
- Arthur
- Oh, ça va, hein ! Vous allez pas la ramener !
- Perceval
- Nan mais Sire, on commençait à s'inquiéter.
- Karadoc
- Rassurez-vous, on vous a laissé un frichti.
- Arthur
- Ah, c'est pas de refus !
Arthur et Lancelot s'installent à table.
OUVERTURE
2. INT. COULOIRS ‒ JOUR
Tout en se restaurant, nos quatre héros évoquent la mission qu'ils viennent d'accomplir.
- Arthur
- Eh ben les amis, quelle dérouillée !
- Lancelot
- Je pensais pas qu'il y aurait autant de Gobelins là-dessous !
- Arthur
- Après, si ces deux imbéciles n'avaient pas fait un boucan du diable...
- Perceval
- Vous croyez que c'est nous qui les avons attirés ?
- Arthur (agacé)
- Vous vous rappelez ce qu'on avait dit en partant ?
- Lancelot (récitant sur un ton tout aussi agacé)
- Les Gobelins vivent dans les profondeurs, mais le bruit les attire.
- Arthur
- Avec tout le boucan que vous avez fait, forcément...
- Perceval
- Mais c'est pas ma faute, je me suis cogné le genou.
- Lancelot
- Quand on est chevalier, on doit savoir souffir en silence !
- Perceval
- J'ai fait tant de bruit que ça ?
- Arthur
- Vous avez hurlé à la mort, crétin !
- Lancelot
- Et vous, seigneur Karadoc, qu'est-ce qui vous a pris de balancer votre épée au fond du puits. Non seulement ça les a réveillés, mais ils l'ont utilisée !
- Karadoc
- Mais j'ai pas fait exprès ! Elle était mal fixée à ma ceinture, du coup, quand je suis passé près du puits pour regarder, elle s'est détachée et elle est tombée dedans. Et après, je me suis penché pour voir, et mon casque est tombé aussi.
- Arthur
- Résultat : des dizaines de Gobelins qui nous tombent dessus !
- Perceval
- Mais qu'est-ce que ça peut faire, Sire, de toute façon la mission est réussie !
- Karadoc
- Heu... je sais pas si on peut dire ça, vu que vous avez oublié le sac avec les pièces d'or.
- Perceval
- Ah ouais, merde.
- Arthur (n'en croyant pas ses oreilles)
- Quoi ?
- Lancelot
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
- Perceval
- Nan mais l'escalier était glissant, j'avais besoin de mes deux mains pour me tenir aux parois, du coup j'ai oublié le sac de pièces d'or en bas.
- Arthur (ne parvenant toujours pas à y croire)
- C'est une plaisanterie ?
- Lancelot (scandalisé)
- Je vous signale qu'on a passé une heure à les contenir − au péril de notre vie ! − pour vous laisser le temps d'emporter le butin et de remonter avec.
- Perceval
- Eh ben, on est rentrés indemnes à Kaamelott, c'est pas ça qu'il fallait faire ?
- Arthur
- Mais en emportant le trésor, imbécile !
- Lancelot (soupçonneux)
- Rassurez-moi, seigneur Karadoc, vous n'avez pas oublié l'émeraude géante ?
- Karadoc
- Ah non ! Enfin...
- Lancelot
- Quoi, « enfin » ?
- Karadoc
- Je l'ai pas oubliée, mais je l'ai mise dans ma poche trouée.
- Arthur (sidéré)
- Et vous l'avez perdue ?
- Karadoc
- À tous les coups elle est restée en bas. En tout cas je l'ai plus.
- Perceval
- Sire, il faut voir le bon côté des choses...
- Arthur (désabusé)
- Le bon côté des choses ?
- Perceval
- Ben oui : quand vous y retournerez pour ramener le sac de pièces d'or, l'émeraude sera à côté.
- Lancelot (hors de lui)
- Mais on ne peut plus y retourner, espèce de cornichon ! Ça grouille de Gobelins à présent !
- Karadoc
- Vous les avez pas tous tués ?
- Arthur (hors de lui)
- On les a contenus ! Pour vous laisser le temps de repartir avec le trésor.
- Lancelot
- Et on failli y laisser notre peau !
- Arthur
- Mais y retourner, ce serait du suicide !
- Perceval
- Sire, sans déconner, il faut arrêter avec vos stratégies dépassées ! C'est les Gobelins qui auraient dû y laisser leur peau, pas vous, sinon je vois pas l'intérêt.
Hors d'eux devant tant de bêtise, Arthur et Lancelot jettent leur assiette par terre de rage puis quittent la salle.
- Perceval
- Mais qu'est-ce que j'ai dit ?
- Karadoc
- Vous avez remis en cause les choix stratégiques du roi, et comme il est susceptible, il ne l'a pas accepté.
- Perceval
- N'empêche, on a peut-être pas ramené le trésor, mais on a réussi l'autre partie de la mission : on est rentrés indemne au château.
- Karadoc
- Ouais, le roi pourrait admettre qu'on a bien progressé. Parce que là...
- Perceval et Karadoc (en même temps)
- On en a gros !
3. INT. DEVANT LA CHEMINÉE ‒ JOUR
Quelques jours ont passé. Arthur et Lancelot se détendent devant la cheminée.
- Lancelot
- Vous avez bien fait, Sire. Ils ont eu leur chance, ils n'ont pas su la saisir, vous avez pris la bonne décision.
- Arthur
- De toute façon c'est une mise à pied temporaire.
- Lancelot
- Temporaire ?
- Arthur
- Ben oui, je vais pas les exclure définitivement !
- Lancelot (sincèrement étonné)
- Mais pourquoi pas ?
- Arthur
- J'ai besoin d'eux. Perceval a un destin, Karadoc représente un des peuples de la fédération.
- Lancelot (s'emportant)
- Mais personne n'a besoin de ces deux imbéciles ! N'oubliez pas que chaque fois qu'on les emmène, ils font foirer la mission. Qu'ils retournent dans leurs fermes !
- Arthur (s'emportant lui aussi)
- Ah mais on en a déjà parlé, c'est pas la peine d'y revenir : la Table Ronde, c'est pas réservé à une élite, c'est pour tout le monde.
- Lancelot (calmé)
- Excusez-moi, Sire. Je ne suis pas d'accord, mais je respecte votre autorité.
- Arthur (lui aussi calmé)
- Je comprends que ce soit dur à avaler, surtout après les derniers exploits de nos deux « héros »...
4. INT. SALLE À MANGER ‒ UNE AUTRE NUIT
Arthur et Lancelot entrent dans la salle épuisés et plus ou moins blessés, surtout Arthur qui a du mal à marcher. Lancelot porte un gros sac. Leurs armures sont en charpie, ils sont couverts de sang. À bout de force, ils boitent et ont du mal à parler. Arthur pousse de temps en temps des gémissements de douleur. Il s'installent à table où est répandue un peu de charcuterie. Dans tout le dialogue qui suit, Arthur a beaucoup de mal à se tenir droit et à parler.
- Lancelot
- C'est un miracle qu'on soit revenus vivants.
- Arthur
- Ouais, mais on a le trésor. Montrez-voir !
Lancelot pose le sac sur la table et répand en partie son contenu : il est rempli de pièces d'or. Puis il sort de sa poche une énorme émeraude qui éclaire la pièce d'une lueur verte surnaturelle.
- Lancelot (souriant)
- Mission accomplie, Sire ! Et vos blessures, vous tenez le coup ?
- Arthur
- Je prends juste un verre et ensuite je pars me pioncer.
- Lancelot
- Il faudrait d'abord consulter Merlin, Sire !
- Arthur
- Ah non, je veux juste m'allonger et dormir. J'en peux plus !
- Lancelot
- Mais il faut désinfecter vos plaies, au moins !
- Arthur
- Allez me chercher l'alcool de poire, dans l'amoire de droite, en bas, je crois.
- Lancelot (sceptique)
- Vous voulez que je vous désinfecte à l'alcool de poire ?
- Arthur
- Oui, c'est toujours ça. En plus c'est du costaud.
- Lancelot (après être allé chercher la bouteille en question, lisant l'étiquette)
- Alcool de poire, soixante degrés. Ah ouais !
- Arthur
- Vous voyez, ça fera l'affaire. Commencez par l'épaule.
Lancelot passe derrière le roi et retire les restes d'armure, puis le haut de ses vêtements. La caméra filme Arthur de face, on ne voit pas sa blessure qui est derrière l'épaule.
- Lancelot
- Aïe, c'est pire que je pensais.
- Arthur
- Ne faites pas de commentaires et versez l'alcool.
- Lancelot
- Vous êtes sûr ? Ça va vous faire très mal, j'aimerais mieux qu'on appelle Merlin.
- Arthur
- Mais il pourra rien faire de plus. Je le connais, il va me soigner ça au gros sel, ce sera pire.
- Lancelot
- Bon, vous êtes prêt ?
- Arthur
- Non, attendez ! Je suis le roi Arthur, je veux pas que tout le château m'entende hurler comme un goret.
- Lancelot
- Le truc, c'est de mordre dans un bout de bois.
- Arthur (s'emparant d'un saucisson sec)
- Voilà, c'est comme un bâton.
- Lancelot
- Un saucisson ?
- Arthur
- Allez-y.
Lancelot répand l'alcool sur la plaie. Aussitôt Arthur se cabre de douleur et pousse un effroyable mugissement étouffé par le saucisson qu'il mord à pleines dents. Puis il s'effondre sur la table. Lancelot l'aide à se redresser.
- Lancelot
- Ça ira, Sire ?
- Arthur (dont le saucisson est complètement détruit et en charpie)
- Je pensais pas que la douleur serait aussi atroce...
- Lancelot
- On regarde votre deuxième blessure ?
- Arthur
- Allez-y.
Lancelot examine à présent une blessure au flanc droit, qu'on ne voit pas. Arthur est torse-nu, couvert de bleus et d'égratignures.
- Lancelot
- Aïe !
- Arthur
- Quoi, c'est aussi grave que celle à l'épaule ?
- Lancelot
- Non, non, c'est moins grave, ça va aller.
- Arthur
- Alors laissez-moi un peu souffler, puis on remet ça.
Lancelot attend tandis qu'Arthur boit un verre d'eau. Arthur sait maintenant ce qui l'attend et hésite, mais il n'y a pas le choix. Alors il prend un nouveau saucisson sec.
- Arthur
- Je suis prêt, allez-y.
5. INT. SALLE À MANGER ‒ SUITE
Lancelot réveille Arthur, qui s'était évanoui. Arthur n'a plus la force de parler et se contente de chuchoter, toujours entre deux gémissements.
- Lancelot
- Sire, ça va mieux ?
- Arthur (reprenant lentement ses esprits)
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Lancelot
- Vous vous êtes évanoui de douleur.
- Arthur
- Mais je croyais que la deuxième blessure était moins grave ?
- Lancelot
- J'ai préféré vous taire la vérité...
- Arthur
- Alors c'est terminé ?
- Lancelot
- Vos deux blessures sont désinfectées et je vous ai fait un bandage avec du linge de table. Mais ça reste provisoire.
- Arthur
- Je sais. Demain à l'aube, vous ferez venir Merlin. Mais il faut que je dorme au moins deux ou trois heures.
- Lancelot
- Vous pourrez marcher ?
- Arthur
- Soutenez-moi !
6. INT. PORTE DE LA CHAMBRE DU ROI ET DE LA REINE ‒ NUIT
Lancelot a aidé Arthur à atteindre la porte de sa chambre.
- Lancelot
- Sachez, Sire, que j'admire votre courage. J'en connais deux qui pourraient en prendre de la graine, quand je disais qu'un chevalier doit savoir souffrir en silence.
- Arthur (à moitié endormi)
- Qu'est-ce vous dites ?
- Lancelot
- Rien, rien. Vous arriverez à atteindre votre lit tout seul ?
- Arthur
- Oui, merci. Merci, et n'oubliez pas de faire venir Merlin au lever du jour.
- Lancelot
- Bonne nuit Sire.
- Arthur (dans un murmure)
- Pareil.
FERMETURE
7. INT. CHAMBRE DU ROI ET DE LA REINE ‒ NUIT
Arthur rentre dans sa chambre, laquelle est faiblement éclairée par une bougie. Depuis son lit, la reine ne peut pas encore le voir. Elle ne l'apercevra que lorsqu'il atteindra le lit. La caméra suit Arthur, à peine visible dans la pénombre, aussi on ne voit pas Guenièvre avant que celle-ci puisse le voir.
- Guenièvre (off, fâchée)
- C'est à cette heure-ci que vous rentrez ?
- Arthur (dans un souffle)
- Quoi ?
- Guenièvre (off, sur un ton inquisiteur)
- Où étiez-vous passé ?
- Arthur
- Non... vous allez pas me faire une scène...
- Guenièvre (off, sûre d'elle)
- J'ai consulté votre agenda, figurez-vous ; vous n'aviez pas prévu de mission. Alors je vous demande : (détachant bien les syllabes) où étiez-vous passé ?
- Arthur
- En mission improvisée...
- Guenièvre (off)
- Ah non, ne me prenez pas pour une idiote !
Arthur est arrivé face au lit. Guenièvre allume une grande bougie et l'approche d'Arthur, pour mieux le voir.
- Guenièvre (découvrant ses bandages et ses écorchures)
- Mais... que vous est-il arrivé ?
- Arthur
- Je veux... dormir...
- Guenièvre
- Vous parlez bizarrement... vous titubez ! et vous puez l'alcool !
Arthur s'effondre sur son lit.
- Guenièvre (sévère)
- Ah oui, je vois !
- Guenièvre (sévère)
- Vous êtes allé vous torcher à la taverne, et vous vous êtes battu comme des chiffonniers !