Presque dix ans que j'avais prévu une suite à ce sketch : http://forum.onenagros.org/viewtopic.php?id=1533 (et je savais ce que je voulais mettre, c'est juste que je me suis dispersé...), la voilà enfin !
Résumé du premier épisode : nous sommes après le Livre VI. Lancelot contrôle toute la Bretagne et règne en dictateur. Mais dames Ygerne et Cryda de Tintagel, Séli de Carmélide, Gwenda de Calédonie (épouse de Calogrenant) et même Anna d'Orcanie ont décidé d'organiser la résistance. Guenièvre doit aider à recruter une armée populaire par des discours, et en brandissant Excalibur, qu'Ygerne a réussi à récupérer et qui a reconnu Guenièvre, à sa grande surprise.
Les rebelles II
3 CORS
1. INT. TENTE DE CAMPAGNE ‒ JOUR
Séli essuie le visage de Guenièvre
- Guenièvre
- Des tomates ! Ils m'ont jeté des tomates !
- Séli
- On devrait tous les pendre, ces pécores !
- Ygerne
- Mais non, on a besoin d'eux !
- Guenièvre
- Quand même, c'est mal parti, le recrutement...
- Ygerne
- C'est parce que vous ne lisez pas le discours avec assez de conviction.
- Guenièvre
- C'est peut-être le discours qui n'est pas assez... je sais pas.
- Séli
- Mais il est très bien le discours !
- Ygerne
- J'ai mis deux jours à le rédiger et on l'a toutes validé, n'est-ce pas ?
- Cryda
- J'ai l'habitude des discours, pour moi c'est correct.
- Guenièvre
- Alors pourquoi ils me sifflent ? On l'a fait dans trois village, et chaque fois les gens sont mécontents.
- Séli
- Parce que c'est des pignoufs !
- Cryda
- C'est vrai qu'un si beau discours prononcé à ces débiles, ce serait pas du gaspillage ?
- Ygerne
- C'est nécessaire pour motiver le peuple.
OUVERTURE
2. EXT. VILLAGE ‒ JOUR
Guenièvre s'adresse à des villageois. En fait, ce sont surtout des villageoises plus quelques enfants et vieillards. Les dames de la Table Ronde sont légèrement à l'écart. La reine lit un parchemin : le discours. Elle le lit sans conviction d'un ton monocorde.
- Guenièvre
- Bretons, Bretonnes ! Vers les dames : Au fait, pourquoi on dit pas plutôt « Bretonnes, Bretons » ?
- Séli
- Continuez.
- Guenièvre
- On vous ment, on vous spolie !
- Paysanne 1
- C'est pas nouveau !
- Séli (sévère)
- Silence !
- Guenièvre
- L'usurpateur Lancelot opprime le peuple de Bretagne !
- Paysanne 2
- Ouais, et alors ?
- Ygerne
- Silence, on vous dit !
- Anna (bas)
- Comme s'ils vous écoutaient...
- Guenièvre
- Je suis la reine de Bretagne, je suis résolue à marcher contre l'usurpateur. Vous devez m'aider. Que tous les hommes de bonne volonté me suivent !
- Paysanne 3
- Quels hommes ?
- Guenièvre
- Une heure marquée par le destin a sonné dans le ciel de Bretagne : l'heure des décisions irrévocables ! Vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous ! Ceux qui, aujourd'hui, nous rejoindront, demain seront récompensés !
- Paysanne 1
- Quand ça ? Demain c'est jeudi...
- Paysanne 2
- Mais non, elle dit « demain » comme elle dirait « à la Saint-Glinglin ».
- Paysanne 3
- Quand serait-on récompensées ?
- Guenièvre (décontenancée)
- Eh bien, heu...
- Ygerne
- Quand le roi Arthur aura retrouvé son trône !
- Guenièvre
- Ils n'ont pas l'air très convaincus.
- Séli (à Guenièvre)
- Poursuivez, la suite va les convaincre !
- Guenièvre (reprenant sa lecture)
- Alors... Vous recevrez de l'argent et des terres.
- Paysanne 1
- Oui, mais à la Saint-Glinglin...
- Guenièvre
- Par contre, ceux qui, aujourd'hui, refuseront de nous aider, demain seront châtiés ! Leurs biens seront confisqués, ils seront pendus.
- Séli
- Là, s'ils ne sont pas convaincus !
- Paysanne 1
- C'est quoi ces menaces ?
- Paysanne 2
- Vous croyez que les Hommes-en-Blanc, ça nous suffit pas ?
- Guenièvre
- Et voilà, ça recommence comme au dernier village.
- Séli
- Mais mettez plus de conviction quand vous parlez du châtiment ! Là ils n'ont pas peur.
- Guenièvre
- Mais pourquoi leur faire peur ?
- Cryda
- Mais, parce que c'est des pécores et que c'est le seul moyen de les convaincre !
- Guenièvre (qui craque)
- Eh ben moi j'en ai marre ! Guenièvre déchire le parchemin.
- Paysanne 2
- C'est ça, déchire-le, toi et ton discours de merde !
- Séli (à Guenièvre)
- Vous n'allez pas vous laisser insulter ?
- Paysanne 3
- On n'a pas insulté la petite dame, seulement son discours.
- Guenièvre
- En plus elles ont raison, qu'est-ce qu'on s'en fout de ce discours ! Moi, ce que je veux, c'est retrouver mon mari ! Il me manque, voilà !
3. EXT. VILLAGE ‒ JOUR
Guenièvre a craqué : au lieu de lire le beau discours, elle se laisse aller et exprime sa peine.
- Guenièvre
- Il m'en faisait voir de toutes les couleurs, mais c'était mon mari, et il me manque !
- Ygerne (à Guenièvre)
- Mais reprenez-vous ! Vous n'êtes pas là pour pleurnicher mais pour recruter une armée populaire !
- Anna
- Laissez-la faire.
- Paysanne 1
- Nous aussi on n'a plus nos maris !
- Guenièvre
- Ah bon ?
- Paysanne 2
- Ils ont été capturés par les Hommes-en-Blanc.
- Guenièvre
- Le mien, je ne sais même pas où il est ! On dit qu'il est en exil, d'autres disent qu'il est en prison...
- Paysanne 3
- Pareil. Il paraît que tous les hommes sont menés de force dans des camps de travail.
- Anna
- Ça s'appelle le Service du Travail Obligatoire. Lancelot a lancé de grands projets et utilise le travail forcé. Cet illuminé construit une flotte de guerre pour conquérir Avalon.
- Paysanne 2
- Peut-être, mais ça ne nous dit pas où sont nos maris !
- Paysanne 3
- Nous aussi ils nous manquent !
- Paysanne 1
- Le mien, c'est un vaurien, mais il a des muscles et il peut mener une charrue.
- Paysanne 4
- Le mien, tout le monde sait que c'est un alcoolique, mais il est champion pour le braconnage.
- Paysanne 2
- C'est peut-être pas des choses à dire devant ces dames ?
- Paysanne 4
- Pourquoi ? Elles ne sont plus rien.
- Guenièvre
- Mais je suis la reine !
- Paysanne 1
- Ah bon ?
- Paysanne 2
- Mais oui, c'est la reine déchue !
- Guenièvre
- La reine des quoi ?
- Anna (à Séli & Co qui sont de plus en plus agacées)
- N'intervenez pas !
- Paysanne 1
- Elle est comme nous, maintenant : une moins que rien qui cherche son mari.
- Guenièvre
- Ben oui, il me manque !
- Paysanne 2
- Mais nous aussi ! On a besoin de leurs bras, mais on doit faire tout nous mêmes. Pousser la charrue, bécher, labourer. On s'y met à plusieurs, c'est épuisant, mais on y arrive..
- Paysanne 3
- Et la roue du moulin, on a réussi à la faire tourner toutes seules !
- Guenièvre
- Moi aussi on me fait faire le boulot de mon mari. Regardez (elle leur montre Excalibur, posée sur une table), on me demande même de brandir son épée. Mais je sais pas m'en servir ! Et je dois faire des discours alors que je sais pas parler en public !
- Paysanne 1
- Et alors ? Nous on n'y connaissait rien au début, mais on a fini par le faire tourner, le moulin.
- Paysanne 2
- Il suffit d'un peu de volonté !
4. EXT. VILLAGE ‒ JOUR
Un attroupement de paysannes s'est formé autour de Guenièvre.
- Paysanne 1
- C'est vrai que, finalement, ce salopard de Lancelot est tout puissant uniquement parce qu'on se laisse faire.
- Paysanne 2
- Parce que nos bonshommes se sont laissé faire ! Mais la petite dame a raison, on doit faire leur boulot, y compris prendre les armes.
- Paysanne 3
- C'est vrai : elle a l'air de rien avec sa tronche de chien perdu, mais elle nous donne l'exemple du courage !
- Guenièvre
- C'est de moi que vous parlez ?
- Paysanne 3
- L'appelez pas « la petite dame », ça la vexe.
- Paysanne 1
- Mais on peut plus l'appeler « ma reine » !
- Anna
- Vous comptez vraiment prendre les armes ? Des pics, des fourches, des haches ?
- Guenièvre
- Moi, en tout cas, je compte pas me servir de l'épée...
- Paysanne 1
- La petite dame a raison : ne combattons pas comme les hommes, combattons avec nos méthodes féminines !
- Paysanne 3
- C'est-à-dire ?
- Paysanne 2
- Avec intelligence et ruse ! Quand les Homme-en-Blanc reviendront, séduisons-les, faisons les boire, et ensuite, on les égorgera dans leur sommeil.
- Paysanne 1
- Depuis que nos hommes ont disparu, on a dû apprendre à égorcher les cochons nous mêmes, on saura s'y prendre.
- Paysanne 3
- On pourrait aussi mettre de la mort-aux-rats dans le quota de blé que l'armée exige.
- Paysanne 1
- Oui, bien !
- Paysanne 2 (à Guenièvre)
- Vous voyez, c'est pas les idées qui manquent !
- Paysanne 3
- Il nous manquait juste quelqu'un pour nous ouvrir les yeux.
- Ygerne (à Guenièvre)
- C'est le moment, brandissez Excalibur !
5. EXT. VILLAGE ‒ JOUR
Guenièvre soulève (difficilement) Excalibur. Contrairement à l'autre fois, l'épée ne s'allume pas.
- Guenièvre
- Eh ben, elle marche plus.
- Paysanne 1
- Il y a peut-être un mécanisme à enclancher ?
- Paysanne 3
- Ou alors un mot à prononcer ?
- Guenièvre
- Excalibur, allume-toi !
Rien ne se produit.
- Guenièvre
- De toute façon je sais pas m'en servir.
- Paysanne 1
- Vous apprendrez ! Comme nous avec la roue du moulin !
- Guenièvre (suppliant l'épée)
- Excalibur, j'ai besoin de toi !
Rien ne se produit.
- Guenièvre
- Le peuple a besoin de toi !
Excalibur se met à briller d'une lumière blanche surnaturelle.
FERMETURE
Guenièvre brandit toujours l'épée, un peu craintive.
- Paysanne 1
- Quand mon frère était dans l'armée, il faisait des moulinets avec son épée, il aimait bien s'en vanter.
- Paysanne 2
- Ça, les hommes : tous des frimeurs et des grandes gueules.
- Paysanne 1
- Essayez-voir !
- Guenièvre
- Mais je vous dit que je sais pas m'en servir !
Soudain, l'épée se met à danser dans les mains de Guenièvre qui, sans rien contrôler, semble réaliser des moulinets spectaculaires. À la fin, elle sectionne en deux parties égales une pomme qui pendait à une branche.
- Guenièvre (à peine remise de ses émotions)
- Ça alors !
- Paysanne 2
- Soyez pas surprise : il paraît que c'est une épée magique.
- Paysanne 3
- Votre mari ne devait pas savoir s'en servir mieux que vous.
- Paysanne 1
- Bon, on la fait cette révolte ?
- Paysanne 1
- C'est qu'on a besoin de nos bonshommes pour les moissons !
(Vous aurez peut-être noté quelques emprunts à des orateurs célèbres, comme Mussolini, Anelka...)