3 CORS
1. INT. PORTE DE LA CHAMBRE D'ARTHUR - NUIT
Perceval et Karadoc toquent bruyamment à la porte de la chambre d'Arthur.
- Karadoc (hurlant)
- On en a gros !
- Perceval (hurlant)
- Faites pas le con, Sire, ouvrez !
- Karadoc (bas, à Perceval)
- Vous êtes sûr qu'on n'aurait pas dû attendre demain ?
- Perceval (de même)
- Mais c'est urgent !
- Karadoc
- Ouais, mais chaque fois qu'on le dérange au milieu de la nuit, il est de mauvais poil. Du coup, je me demande si ça viendrait pas du fait qu'on le dérange en pleine nuit.
- Perceval
- Vous croyez ?
- Karadoc
- C'est quand même son genre de s'énerver pour pas grand chose.
- Perceval
- Non mais en fait c'est pas ça. Angharad m'a dit l'autre fois : vous étonnez pas si le roi fait la tronche, c'est parce que la reine l'a engueulé.
- Karadoc
- Alors c'est à cause de la reine qu'il est toujours en rogne ?
- Perceval
- Voilà. On y est pour rien, nous !
OUVERTURE
2. FLASHBACK - INT. TAVERNE - JOUR
Perceval et Karadoc sont attablés à la taverne. L'écran indique « quelques heures plus tôt ».
- Perceval
- Il faudrait quand même se magner, le roi a dit qu'on partait en début de matinée.
- Karadoc
- Ouais mais là, il est plus de midi. À mon avis ils nous ont pas attendu. Autant rester.
- Perceval
- Non, on rentre quand même, en signe de bonne volonté.
- Karadoc
- Et le vin que le tavernier voulait nous faire goûter ? Si on part, ça va le vexer.
- Perceval
- Ah ouais, j'avais oublié, heureusement que vous me le rappelez.
- Karadoc
- Et puis vexer un représentant du commerce local, c'est la dernière chose à faire quand on dirige un état.
- Perceval
- Je sais. J'imagine la tête du roi s'il apprend qu'on sabote l'image de Kaamelott auprès du peuple.
- Karadoc
- Voilà ! Il ne faut pas oublier que notre présence à la taverne est aussi un geste politique.
- Perceval
- Bon, et il vient, son nouveau vin ?
3. INT. TAVERNE - JOUR
Le tavernier approche avec une grosse cruche de vin.
- Tavernier
- Voilà voilà ! Je vous l'appporte : tout nouveau, tout beau ! Goûtez-moi ce nectar !
Perceval et Karadoc sont servis puis goûtent le vin. Le tavernier aussi s'en est servi un verre, tant qu'à faire.
- Tavernier
- Alors ? C'est pas de la piquette, hein ?
- Karadoc
- C'est vrai qu'il est excellent !
- Perceval
- Il est un peu... comme fruité.
- Tavernier
- Exactement ! Et vous savez d'où il vient ?
- Karadoc
- De votre cave ?
- Tavernier
- Non mais de quel région ?
- Perceval
- Il est pas d'ici ?
- Tavernier
- Ah non ! Ici, ils savent pas faire !
- Karadoc
- Mais vous avez le droit ?
- Perceval
- Je croyais que c'était interdit, de faire venir du vin de l'étranger ?
- Tavernier (plus bas)
- Oui, c'est interdit... Mais si je vous sers que du vin d'ici, dans un mois je ferme la boutique. C'est vrai ou pas ?
- Karadoc
- J'ai déjà goûté le vin des environs, je confirme.
- Tavernier
- Alors dites rien à personne et dégustez.
- Perceval
- C'est quand même dommage que les pécores de la région ne sachent pas en faire un comme ça.
- Tavernier
- Justement, nos paysans ne sont pas près de s'améliorer si on interdit l'importation de vin étranger : pourquoi faire de la meilleure qualité en l'absence de concurrence ?
- Karadoc
- Ah, j'y connais rien...
- Tavernier
- Alors que si on les confronte à la concurrence étrangère, ça les obligera à s'aligner sur le niveau d'exigence du marché.
- Perceval
- C'est pas faux.
- Tavernier
- C'est comme une sorte de coup de pied au cul.
- Karadoc
- Et il vient d'où, au fait ?
- Tavernier
- De Grèce. Oui messire !
- Perceval
- Ah ouais, c'est pas la porte à côté. C'est pour ça qu'il coûte un bras ?
- Tavernier
- Ben oui : il y a un mois de trajet en bateau et encore une semaine par terre avant d'arriver à Kaamelott.
- Karadoc
- Quel rapport avec le prix ?
- Tavernier
- Eh ben, les frais d'acheminement ! Du vin de cette qualité, on ne l'envoie pas sans surveillance, il faut un convoyeur avec. Et le convoyeur, il faut le loger, le nourrir. Pendant plus d'un mois. Au bout du compte, les frais de transport l'emportent largement sur le prix de production.
- Perceval
- Mais, le convoyeur, il peut pas payer de sa poche ?
- Tavernier
- Ah ben non ! Il ne voyage pas pour le plaisir, c'est professionnel, donc c'est son patron qui doit rembourser ses frais. Sinon, personne ne voudrait être convoyeur.
4. INT. TAVERNE - JOUR
La discussion se poursuit.
- Karadoc
- Et c'est vous qui payez les frais ?
- Tavernier
- Normalement oui, mais je suis plutôt pas mal débrouillard en négociation, et j'ai réussi à obtenir un 50/50 : la moitié des frais pour moi, l'autre moitié pour le fournisseur.
- Karadoc
- C'est ça qu'on devrait faire : négocier !
- Perceval
- Pour quoi faire, on n'a pas commandé de vin ! Enfin, je crois pas.
- Karadoc
- Non, négocier avec le roi pour qu'il rembourse nos frais de voyage ; nos repas, nos chambres, tout ça.
- Tavernier
- C'est vrai que lorsque vous venez à l'auberge, c'est toujours dans le cadre d'une mission, je vous sers en quelque sorte d'escale...
- Perceval
- Ah bon ?
- Tavernier
- Ou de base de départ, alors ?
- Karadoc
- Nan mais on n'est pas toujours en mission. Parfois, on vient ici pour recharger nos literies.
- Tavernier
- Ou pour vous resourcer. C'est important, pour des hommes d'action comme vous, toujours à droite à gauche, les combats, le risque, tout ça.
- Karadoc
- Et comment ! Si on tire trop sur la cordelette, après le corps dit non.
- Tavernier
- C'est vrai que je serais vous, je négocierais les frais de mission, c'est logique que ce soit à Kaamelott de les payer.
- Perceval
- Qu'est-ce qu'il croit, le roi, qu'on vient ici pour glander ?
- Karadoc
- De toute façon, même quand on vient pour glander, c'est pour nous re-sour-cer, pour être en pleine forme le jour où on aura une mission.
- Perceval
- Voilà ! Et comme ça fait six mois qu'ils nous ont pas envoyé en mission, à coup sûr c'est pour bientôt ! Alors on doit être prêt.
- Tavernier
- Donc aujourd'hui, vous êtes pas en mission ?
- Karadoc
- Non, là on se resource.
- Perceval
- Pour être en pleine forme.
- Karadoc
- Mais ça va changer ! On va aller voir le roi, et il aura intérêt à nous écouter.
- Perceval
- Là, maintenant ?
- Karadoc
- Ah non, il va être l'heure de dîner. Et puis on avait promis au tavernier qu'on ferait un cul-de-chouette à la fermeture.
5. INT. TAVERNE - LE LENDEMAIN
Le tavernier rejoint Perceval et Karadoc, à la mine contrite.
- Tavernier
- Alors messires, vous avez pu négocier avec le roi Arthur ?
- Karadoc
- Heu... C'est plus compliqué.
- Tavernier
- Ah bon ?
- Perceval
- On lui a demandé le remboursement de nos frais de voyage, mais on n'a pas bien compris sa réponse.
- Tavernier
- Il a répondu quoi ?
- Karadoc
- Merde.
- Tavernier
- Oh, soyez poli !
- Karadoc
- Non, le roi Arthur a répondu : « merde ».
- Tavernier
- Ah ! Et qu'est-ce que vous n'avez pas compris, alors ?
- Perceval
- Ben, la question était : est-ce que oui ou non vous allez nous accorder le remboursement de nos frais de voyage ?
- Tavernier
- Ouais, et ?
- Karadoc
- Eh ben, il a répondu ni oui ni non, du coup on ne sait pas trop ce qu'il a voulu dire.
- Tavernier
- Ben, « merde », ça laisse quand même peu d'ouvertures...
- Perceval
- Oui, mais il a pas dit « non » !
Sur ce, le tavernier s'en va.
- Karadoc
- Il faudrait trouver quelqu'un qui s'y connaît en réponses vagues.
- Perceval
- Le roi ! Lui, il sait ce qu'il a voulu dire.
- Karadoc
- Vous avez raison, c'est la seule solution.
- Perceval
- Vous voulez qu'on aille le voir ce soir après les combats de chiens ?
- Karadoc
- Je sais pas, ça me met mal à l'aise de le réveiller...
- Perceval
- Mais puisque je vous dis que ce qui le met en rogne, c'est pas de nous voir mais de se faire engueuler par la reine !
- Karadoc
- Ouais, mais imaginez qu'Arthur se soit réconcilié avec sa femme. Ça arrive ! Même moi, quand j'étais jeune, je l'ai fait.
- Perceval
- Et alors ? S'il s'est réconcilié, il sera de bonne humeur, pour négocier c'est encore mieux.
- Karadoc
- Ah ouais.
FERMETURE
Il fait nuit. Perceval et Karadoc cognent à la porte du roi.
- Perceval
- Sire, ouvrez !
- Karadoc
- On en a gros !
Arthur, en tenue de nuit et mal réveillé, ouvre la porte.
- Arthur
- Ah non ! Pas encore vous ! C'est tous les jours, maintenant ? Mais c'est du harcèlement !
- Perceval
- Vous exagérez, la dernière fois ça fait trois jours.
- Arthur
- Non, c'était hier ! Soi disant que vous vouliez négocier je ne sais plus quoi...
- Karadoc
- Sauf que vous nous avez fermé la porte au nez, du coup ça compte pas : vous avez pu vous recoucher immédiatement.
- Arthur
- Parce que vous croyez que là, je ne vais pas me recoucher immédiatement.
- Perceval
- C'est très important, Sire !
- Karadoc
- On a une question ca-pi-tale à vous poser.
- Perceval
- Sire, est-ce que vous vous êtes réconcilié avec la reine ?