3 CORS
1. INT. CHAMBRE DU ROI ET DE LA REINE ‒ NUIT
On toque à la porte.
- Bohort (off)
- Sire, Sire, ouvrez ! Je vous en conjure !
Arthur, en chemise de nuit et mal réveillé, ouvre. C'est Bohort, lui aussi en chemise de nuit, et une torche à la main. Il est paniqué.
- Arthur
- Quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?
- Bohort
- Sire, nous allons tous mourir !
- Arthur
- Il y a une invasion ?
- Bohort
- Une meute de loups, Sire !
- Arthur
- Des loups ? Dans la forêt ?
- Bohort
- Non, dans les couloirs du château !
- Arthur
- Quoi ?
OUVERTURE
2. INT. COULOIR DEVANT LA CHAMBRE DU ROI ET DE LA REINE ‒ JOUR
La discussion se poursuit.
- Bohort
- J'étais réveillé, j'avais la gorge sèche, et je n'avais plus d'eau dans ma chambre, alors je me suis levé pour aller en chercher en cuisines. Sur le chemin, j'ai croisé... mon dieu...
- Arthur
- Vous avez croisé une meute de loups dans les couloirs ?
- Bohort
- Un loup, Sire ! Une bête énorme, terrifiante, avec des yeux injectés de sang ! Je voulais me réfugier dans ma chambre mais la peur m'a fait perdre ma lucidité et je me suis retrouvé dans ce couloir. Justement, je peux ainsi vous prévenir. Puis-je me réfugier chez vous ?
- Arthur
- Attendez, attendez... Vous avez vu un loup ?
- Bohort
- Un loup énorme, tout gris...
- Arthur
- Donc c'est pas une meute.
- Bohort
- Les loups vont toujours en meute.
- Arthur
- Pas forcément. Et c'était pas un chien ?
- Bohort
- Je sais quand même faire la différence, Sire !
- Arthur
- Bon, je vais chercher mon épée, vous allez me montrer.
- Bohort
- Heu... Sire, je préférerais vous attendre ici.
- Arthur
- Ah, vous n'allez pas encore faire votre chochotte !
- Bohort
- Vous avez une épée magique ; moi, je suis désarmé. Je préférerais rester dans votre chambre en attendant.
- Arthur
- Pas question : c'est aussi la chambre de la reine, vous allez la réveiller.
- Bohort
- Eh bien... disons que je pourrai ainsi la protéger.
- Arthur
- Mais c'est pas le problème. Un chevalier, seul dans la chambre de la reine, à votre avis, ça va finir comment ?
- Bohort
- Vous croyez que les gens pourraient soupçonner...
- Arthur
- Ça va finir par un duel à mort entre nous deux, vous le savez bien !
- Bohort
- Je n'avais pas vu les choses sous cet angle. Alors indiquez-moi un placard.
- Arthur
- Un placard ?
- Bohort
- Un endroit où je serai en sécurité ! Une fois que vous aurez trucidé la bête, vous toquerez pour m'avertir qu'il n'y a plus de danger.
- Arthur (soufflant, puis désignant une porte)
- Pfff.. Bon, cachez-vous là, c'est là qu'Angharad range ses affaires de nettoyage. Mais vous touchez à rien, hein !
- Bohort
- Pourquoi, ces objets sont dangereux ?
- Arthur
- Non, c'est juste que si Angharad trouve le bazar dans ses affaires, c'est moi qu'elle va engueuler. Oui, je sais : c'est une bonniche, elle n'a pas à engueuler le roi. Mais Angharad... elle, si.
- Bohort
- Je ne toucherai à rien, promis. Heu... bonne chance, Sire !
3. INT. COULOIRS ‒ NUIT
Arthur, une torche à la main et Excalibur de l'autre, marche prudemment dans un couloir. Soudain, on entend un cri.
- Guenièvre (off)
- Hîîîîîîîîîî !
- Bohort (off)
- Aaaaaaaaah !
En hâte, Arthur retourne sur ses pas.
4. INT. CHAMBRE DU ROI ET DE LA REINE ‒ NUIT
Arthur vient de surgir dans sa chambre, à côté du lit où la reine est assise, réveillée. Bohort est debout près du lit, penaud.
- Arthur
- Il est là ?
- Guenièvre
- Il est là quoi ?
- Arthur
- Eh ben, le... la bestiole, là. Mais pourquoi vous avez crié ?
- Guenièvre
- Je me réveille, et je vois le seigneur Bohort juste à côté du lit. Comprenez qu'il y a de quoi être surprise.
- Arthur (à Bohort)
- Et vous, pourquoi vous avez crié s'il n'y a pas de bestiole ?
- Bohort
- C'est le hurlement de la reine qui m'a effrayé, Sire.
- Guenièvre
- Mais de quelle bête vous parlez ?
- Bohort
- Mais du l...
- Arthur (donnant un coup de pied dans le tibia de Bohort)
- Chut !
- Bohort
- Aïe...
- Guenièvre (effrayée)
- Il y a des bêtes dans le château ?
- Bohort
- Des souris ! Le roi et moi, nous allions chasser des souris.
- Arthur (approuvant)
- Voilà, des souris.
- Guenièvre
- Ah ! C'est là où je me félicite d'avoir épousé un roi qui dirige une troupe de vaillants chevaliers !
- Arthur
- Sinon, Bohort, qu'est-ce que vous fichez dans ma chambre ?
- Bohort
- Seul, dans le noir, enfermé dans un placard, avouez que ce n'était pas très rassurant. Alors j'ai préféré me réfugier chez vous, en espérant ne pas réveiller la reine.
- Guenièvre
- Dans un placard ?
- Arthur
- Oui, j'ai dit à Bohort de se cacher dans le placard pour qu'il vous réveille pas.
- Guenièvre
- Ah bon ? Mais... vous voulez dire que le seigneur Bohort est votre amant ?
- Arthur
- Mais non !
- Bohort
- C'était pour me protéger du danger.
- Guenièvre
- Un chevalier qui aurait peur des souris ? Cette affaire me paraît louche.
- Arthur
- Bon, j'aimerais bien régler le problème rapidement et me coucher ensuite. Bohort, suivez-moi, c'est un ordre !
- Bohort
- Vous m'emmenez à une mort certaine...
- Arthur
- J'ai Excalibur, l'épée magique ; restez derrière moi, vous risquez rien !
5. INT. COULOIRS ‒ NUIT
Arthur avance prudemment, tenant d'une main une torche et de l'autre Excalibur. Derrière lui, Bohort, mort de peur, le suit en le serrant de très près, tenant un chandelier.
- Arthur (chuchotant)
- Silence ! J'entends un bruit devant nous.
- Bohort (de même)
- Mais je ne dis rien !
- Arthur
- Alors arrêtez de claquer des dents...
Au bout du couloir surgit Karadoc.
- Karadoc
- Sire ? Avancez pas plus, il y a un énorme clébard qui vient d'entrer dans les cuisines.
- Arthur
- Un clébard ? Alors c'est pas un loup ?
- Karadoc
- Ah si, maintenant que vous le dites, il avait une tête de loup. Mais plus grand qu'un loup.
- Bohort
- Mon dieu, un deuxième loup !
- Arthur
- Mais non, c'est le même !
- Karadoc
- Vous aussi, vous l'avez vu ?
- Bohort
- Le votre était de quelle couleur ?
- Karadoc
- Gris.
- Bohort
- Ah oui, c'est le même !
- Arthur
- Bon, donc ça a l'air de se confirmer : il y aurait un loup dans Kaamelott. Mais d'où est-ce qu'il sort ?
- Bohort
- Peu importe, il faut évacuer !
- Arthur
- Mais arrêtez un peu ! On va pas s'enfuir juste parce qu'un loup rôde dans les couloirs...
- Bohort
- Vous l'avez dit vous même : il n'a rien à faire ici. Ce n'est pas naturel. C'est peut-être un loup-garou !
- Arthur
- Les loups-garous, ça n'existe pas !
- Karadoc
- Quand même, il y a plein de gens qui en ont vus.
- Arthur
- Ça n'existe plus !
- Bohort
- La preuve que si ! Fichons le camp d'ici avant d'être maudits jusqu'à la trentième génération !
- Karadoc
- Ça se trouve, c'est juste un loup qui s'est perdu.
- Bohort
- Ben voyons ! Il se perd et il se retrouve ici, en plein Kaamelott.
- Arthur
- C'est vrai que ça tient pas debout : pour rentrer, il aurait dû traverser le pont-levis et plusieurs postes de garde...
- Karadoc
- Il est peut-être arrivé par magie ? Tiens, ce serait un de vos ennemis, Sire, qui vous aurait lancé un genre de malédiction par vengeance. Un loup se matérialise devant votre chambre, ni vu ni connu !
- Bohort
- Mais c'est terrible !
- Arthur
- Sauf qu'il s'est matérialisé devant les cuisines.
- Karadoc
- Vous voulez dire... C'est moi que la malédiction visait ?
Un bruit au bout du couloir. Les trois hommes regardent devant, là où se trouve une intersection en T. Un vieux loup gris, énorme, passe de droite à gauche. Il regarde nos trois héros comme s'il voulait leur dire bonjour, puis reprend son chemin.
- Arthur
- Ah ouais, c'est pas banal comme histoire !
- Bohort (agrippé aux épaules du roi)
- Vous avez vu, Sire, je ne me suis pas évanoui. Mais j'ai bien failli.
- Karadoc
- Trois loups ! Trois loups dans le château, me dites pas que c'est pas une malédiction ?
- Arthur
- Mais c'est trois fois le même !
- Karadoc
- Ah oui, c'est vrai que l'autre était identique.
- Arthur
- En plus il était pas menaçant du tout.
- Bohort
- Vous avez vu sa taille ? Et puis je suis désolé, mais l'hypothèse du seigneur Karadoc est la seule qui explique la présence de ce monstre dans le château !
- Arthur
- C'est vrai que j'aimerais bien comprendre...
- Karadoc
- Ou alors c'est un des loups que Merlin a soignés autrefois. Il vient lui rendre une visite de courtoisie.
- Bohort (ironique)
- Oui, bien sûr, Merlin invite des loups en pleine nuit pour tailler le bout de gras.
- Arthur
- Non, mais c'est pas bête ce que vous dites, seigneur Karadoc. Merlin connaît des loups, même qu'il leur parle. Celui-ci a l'air vieux, c'est peut-être en effet une connaissance de Merlin.
- Bohort
- Sauf que jamais notre bon druide n'a invité des loups dans ses appartements !
- Arthur
- Ça pourrait être une urgence, peut-être que le chef de la meute est gravement malade...
- Bohort
- Pour prévenir Merlin, il aurait hurlé à la Lune.
- Arthur
- C'est vrai. Allez, suivez-moi, on va rendre visite à Merlin. Il doit savoir quelque chose.
6. INT. LABORATOIRE DE MERLIN ‒ NUIT
Arthur est debout dans le laboratoire de Merlin. Bohort puis Karadoc le rejoignent.
- Bohort
- Il n'est pas dans sa chambre...
- Karadoc
- J'ai fouillé les dépendances, il n'y est pas.
- Arthur
- Là je comprends pas. Merlin, je le connais, quand il dort, il dort. C'est pas le genre à se lever au milieu de la nuit.
- Karadoc
- Peut-être qu'il avait rendez-vous avec le loup ?
- Arthur
- Vous voulez dire, rendez-vous dans les cuisines ?
- Karadoc
- Moi, quand je donne rendez-vous à un vieux copain, je l'invite à la taverne. Mais à cette heure-ci, elle est fermée. Donc c'est logique de l'inviter aux cuisines du château.
- Bohort
- Ou alors c'est le loup qui a dévoré notre cher ami Merlin !
- Karadoc
- Ah oui, ça expliquerait sa disparition.
- Bohort
- Quelle horreur !
- Arthur
- Mais arrêtez ! Il n'y a pas de traces de lutte !
- Bohort
- Il l'a dévoré pendant son sommeil !
- Arthur
- On verrait du sang.
- Karadoc
- Pas si c'est un loup-vampire : il aura léché tout le sang par terre, un peu comme nous quand on lèche une assiette pour pas perdre le bon jus.
- Bohort
- Un loup-vampire, vous croyez que c'est possible ?
- Arthur
- Bon, écoutez, j'en ai ma claque et je retourne me coucher.
- Karadoc
- Mais, Sire, et le loup ?
- Arthur
- J'ai sommeil, j'en ai marre !
- Karadoc
- Je vais rentrer moi aussi, je ne peux pas laisser ma femme et mes gamins seuls en cas de danger.
- Arthur
- Alors profitez-en pour raccompagner Bohort, c'est sur votre chemin.
- Bohort (toujours effrayé)
- Mais nous risquons de tomber nez à nez sur la bête !
- Arthur
- Mais vous avez bien vu qu'il est parti de l'autre côté !
- Karadoc
- C'est peut-être une ruse ? Après tout, on dit bien « rusé comme un loup ».
- Arthur (lassé)
- Comme un renard.
- Karadoc (perdu)
- Vous croyez que c'est un renard ?
Sans répondre, Arthur laisse les deux chevaliers et retourne en direction de ses appartements.
7. INT. LABORATOIRE DE MERLIN ‒ JOUR
Arthur retrouve Merlin dans son laboratoire.
- Arthur
- Ah, je vous trouve enfin ! Vous étiez où ?
- Merlin
- J'ai eu une nuit agitée, et je crois que j'ai mangé un truc qui n'est pas passé, du coup je suis allé à l'infirmerie.
- Arthur
- Vous ne pouvez pas vous guérir vous-même ?
- Merlin
- Mais je suis pas médecin !
- Arthur
- Nan mais je pensais, avec des sorts ou... peu importe. Je voulais vous consulter à propos d'un loup.
- Merlin (amusé)
- Ah oui, vous m'avez vu cette nuit ?
- Arthur
- Comment ça ? C'était vous, le grand loup gris ?
- Merlin (amusé et fier)
- Ben oui !
- Arthur
- Quoi ?
- Merlin
- C'est la semaine du loup, donc chaque nuit je vais me transformer en loup.
- Arthur
- La semaine du loup ? Ah oui, comme l'autre fois avec la semaine du chat ?
- Merlin
- Voilà ! Je vous avais pas prévenu ?
- Arthur
- Mais non !
- Merlin
- Ah, flûte. Du coup vous avez dû avoir les jetons quand vous m'avez croisé ?
- Arthur
- Heu... non, pas vraiment.
- Merlin (fier)
- Un loup de cette taille, ça impressionne, c'est sûr. Surtout quand je montre mes crocs. Je vous ai montré mes crocs ?
- Arthur
- Mais qu'est-ce que vous fichiez dans les couloirs ?
- Merlin
- Ben, je me dégourdissais les jambes ! Un loup, c'est pas fait pour rester enfermé ! Il faut le promener.
- Arthur
- Et ça vous gêne pas plus que ça de risquer de rencontrer des gens ?
- Merlin (amusé)
- Ben non, puisque c'est moi qui fais peur.
- Arthur
- Et si vous rencontrez les types de la garde ? Vous croyez qu'ils auront peur ?
- Merlin
- Pourquoi pas ?
- Arthur
- Je vous rappelle les instructions de la garde : si quelqu'un ou quelque chose fait mine de s'introduire au château, on lui demande le mot de passe, et s'il ne donne pas le mot de passe, on lui envoie une volée de flèches. Quand vous êtes loup, vous savez dire le mot de passe ?
- Merlin
- Ah j'avais pas pensé à ça...
- Arthur
- Voilà ! Donc dorénavant, vous vous barricadez dans votre chambre.
- Merlin
- Ouais mais je vais tourner en rond.
- Arthur
- Ou alors vous prenez une semaine de vacances dans la forêt. Là, vous avez mon autorisation.
FERMETURE
8. INT. LABORATOIRE DE MERLIN ‒ JOUR
- Arthur
- Au fait, c'est quoi la semaine d'après ?
- Merlin
- La semaine du dragon.
- Arthur
- Quoi ?
- Merlin
- Ben j'y suis pour rien, c'est selon la position des astres dans les constellations, tout ça...
- Arthur
- Du coup, oui, prenez des vacances !
- Merlin
- Nan mais vous inquiétez pas, dragon, j'ai jamais réussi à le faire.
- Merlin
- Enfin, pour l'instant.